L’Afrique nourrit-elle de grandes ambitions écologiques ? Initiée en janvier 2007 sous l’impulsion de 11 pays sahélo-sahariens, la Grande muraille verte (GMV) désigne le vaste projet panafricain qui prévoit de dresser un véritable voile verdoyant déployé sur 7 600 kilomètres de long et 15 kilomètres de large, du Sénégal à Djibouti, afin de juguler l’expansion du Sahara et d’enrayer la sécheresse qui sévit en Afrique subsaharienne. L’idée a été approuvée en 2005 par l’Union africaine qui avait notamment salué les efforts de sauvegarde de l’environnement entrepris par le président nigérian de l’époque, Olusegun Obasanjo (1999 – 2007). Outre l’aridité endémique à laquelle doivent faire face les populations depuis près de trois décennies, la désertification, dont le terme doit être ici compris comme une dégradation des sols due à l’insuffisance des précipitations, paralyse davantage les habitants de la région.
Malgré un coût faramineux estimé à environ 1,5 milliards de dollars, l’édification de cette muraille devrait, dans un premier temps, permettre de retrouver des surfaces cultivables. La disposition de 80 bassins de rétention dans les onze pays ainsi que l’introduction de plusieurs espèces animales figurent également parmi les perspectives de ce grand projet transcontinental.
Des facteurs anthropiques qui se suivent et se ressemblent
Toutefois, plusieurs idées reçues viennent régulièrement assombrir le tableau. Tout d’abord, considérer le Sahara comme une tumeur qui infecterait les terres fertiles des cultivateurs s’avère une grossière erreur. Au contraire, ce vaste territoire constitue à lui seul l’un des écosystèmes les plus stables du monde. Selon le Comité scientifique français contre la désertification (CSFD), le Sahara est une écorégion parfaitement « saine » qui participe « à la diversité et à la richesse de notre planète ». Bien que la reforestation du territoire sahélo-saharien soit l’une des priorités de la Grande muraille verte, la progression du désert ne semble donc pas être la source du problème. Pourtant, l’hypothèse selon laquelle une mer de dunes sahariennes envahirait actuellement le Sahel a été fréquemment soulevée. Mais la réalité observée par les scientifiques est toute autre. Certaines zones sableuses sont en mouvement, certes. Mais le phénomène demeure avant tout local. En réalité, les causes de la désertification sont dues à la détérioration des terres en raison des pluies faibles -les estimations indiquent entre 100 et 600 mm par an- et irrégulières, ainsi qu’à l’accroissement du surpâturage. Alors que les sols se dépouillent de leurs ressources naturelles avant même que la régénération naturelle s’exerce et que la production agricole ne cesse de décliner, les producteurs locaux adoptent la fâcheuse tendance de l’élevage excessif, ce qui favorise davantage le phénomène de désertification. Par conséquent, la reforestation de la zone sahélo-saharienne ne peut être effectuée sans une restructuration préalable et efficiente des activités humaines. Car le projet se veut avant tout vecteur de l’intégration sociale des populations et, surtout, de leur participation à un projet dont ils seront les premiers bénéficiaires.
Source: LNT